“Le président Jovenel Moïse a été livré par des responsables de sa sécurité et Ariel Henry a parlé à Joseph Felix Badio le soir du crime”, révèle le RNDDH
7 min readLe Réseau national de défense des droits humains(RNDDH) a fait des révélations pour le moins troublantes concernant l’assassinat crapuleux de l’ex-président Jovenel Moïse ,tué dans sa résidence privée à Pèlerin 5 dans la soirée du 6 au 7 juillet dernier.
Dans un rapport de 28 pages, l’organisme de défense des droits humains, sans faire dans la dentèle, a abouti à la conclusion que l’ancien locataire du palais national “a été livré par les principaux responsables de sa sécurité”.Tandis que le noir plane encore quant aux circonstances de l’assassinat de l’ancien patron de Agritrans et que la justice patine jusque-là sur le dossier, le RNDDH a comme jeté un pavé dans la marre.
Le RNDDH souligne avoir consulté différents procès-verbaux de constat dressés par les juges de paix requis à cet effet et s’est rendu à plusieurs reprises dans la zone de la résidence présidentielle. Ses enquêteurs se sont également entretenus avec des responsables de la DCPJ, de l’IGPNH, de la DAP, du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, du tribunal de paix de Pétion-ville ,des agents de l’USGPN, de l’USP et du Cat Team détenus dans le cadre de ce brûlant dossier ainsi que des riverains de Pèlerin.
Selon le document,quelque trois semaines avant l’assassinat du chef de l’Etat,sur instruction de Jean Laguel Civil,coordonnateur de la sécurité présidentielle, le véhicule contenant des armes et des munitions placé généralement sur la cour de la résidence de Jovenel Moïse a été mis à l’extérieur. M. Civil avait alors justifié son ordre par le fait que le président se plaignait souvent de la présence de trop de véhicules sur sa cour pendant que les comportements affichés par l’ancien président Jovenel Moïse depuis 2 semaines avant sa mort laissaient supposer qu’il craignait pour sa vie.
«[…]Une alerte à l’attentat contre le président avait été lancée », lit-on dans le rapport précisant que selon les plans de cette alerte, il était prévu d’attaquer le cortège de Jovenel MOÏSE quand il aura emprunté la route menant à son bureau au palais national. Malgré cette alerte à l’attentat, aucune mesure n’a été prise pour renforcer la sécurité présidentielle.
« Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, vingt-trois agents étaient en poste à la résidence du président. Ils auraient dû être au nombre de vingt-quatre : trois chefs d’équipe à raison d’un chef par unité spécialisée, neuf agents de l’USGPN, chargés de garder l’entrée de la résidence, six agents du Cat Team chargés de sécuriser le côté nord de la résidence et six agents de l’USP, chargés de sécuriser la cour », souligne le rapport du RNDDH qui ajoute que le chef d’équipe de l’USP, l’unité de gardes du corps du président, Jeanty HUBERT, s’était absenté de son poste à ce jour pour convenance personnelle.
Au moment où les individus lourdement armés avaient fait irruption dans le périmètre de sécurité de la résidence du président Jovenel MOÏSE, aucune alerte n’a été lancée, mentionne le rapport. « La barrière principale de la maison avait été laissée ouverte tel que cela avait été prévu », a détaillé le RNDDH, informant que dès les premiers coups de feu, Jovenel MOÏSE avait commencé à passer des appels. « Aucun de ceux sur lesquels il semblait compter pour le protéger ne s’est présenté. L’inspecteur général André Jonas Vladimir PARAISON est l’une des dernières personnes avec qui il s’est entretenu. Il a été le premier à être arrivé sur les lieux. Et, c’est lui qui a organisé l’évacuation de Martine MOÏSE », indique l’institution dirigée par Pierre Espérance
Certains agents de la sécurité de l’ancien président de la république Jovenel Moise ont tenté de riposter mais ont dû très vite se désister, par manque de munitions. De plus, avance le RNDDH, l’agent Renor FONTUS lui-même chef d’équipe du Cat Team, à court de munitions, s’est caché à l’arrière-cour de la résidence de Jovenel MOÏSE. Les autres agents ont de leur côté vite fait de baisser leurs armes. « Ils étaient plus soucieux de sauver leur vie que de protéger la famille présidentielle”.
Des responsables de sécurité éparpillés au moment de l’assassinat
Dans ce même rapport, le réseau national de défense des droits humains a pu dresser le lieu dans lequel se trouvaient les responsables de la sécurité du président au moment où il était en grand danger dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Selon le réseau, le commissaire divisionnaire Jean Lagel Civil se trouvait chez lui, à Thomassin lorsque, vers une heure du matin, il a reçu l’appel du président l’informant que des tirs d’armes étaient entendus aux environs de chez lui, et sollicitant un back-up pour le renforcement de sa sécurité. Le Commissaire Pierre Osman LEANDRE, responsable en chef de l’USP, se trouvait chez lui lorsqu’il a reçu un appel vers trois heures du matin, de l’inspecteur divisionnaire Péguy TOUSSAINT, lui-même chef des opérations de l’USP, l’informant de l’attaque de la résidence du président. L’Inspecteur principal Paul Eddy AMAZAN, responsable en chef du Cat Team se trouvait chez lui au moment oû il a été informé par l’agent Willet CANGE, lui-même chef des opérations du Cat Team, que la maison du président était attaquée. Le Commissaire Dimitri HERARD, lui, responsable de l’USGPN était chez lui à Péguy-ville, lorsqu’il a reçu un appel du coordonnateur de la sécurité présidentielle Jean Laguel CIVIL.
Tenant compte des alertes sur les menaces qui avaient été lancées à l’encontre du président, le RNDDH a mal conçu que les différents services d’intelligence du pays n’aient pas été mis en branle. De même, selon l’institution, il est incompréhensible que, sur alerte maximale, tous les responsables des unités spécialisées affectées à la sécurité du président de facto, se trouvaient chez eux. Drôle de coïncidence. « il n’est pas non plus superflu de rappeler que le palais national dispose aussi d’un service d’intelligence qui n’a pas aidé à sauver la vie du président pas plus que l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI) créée le 25 novembre 2020, par la victime elle-même », signale l’institution.
Tout en reconnaissant que les agents présents au domicile aient pu ne pas savoir que Jovenel MOÏSE allait être assassiné, le RNDDH croit que cela n’enlève rien à la gravité de leur trahison. « Ils ont facilité l’assassinat de la victime et déshonoré l’institution à laquelle ils appartiennent », juge le RNDDH. Le réseau de défense stipule que puisqu’ils savent qu’un président en fonction ne peut être arrêté sur la base d’un mandat émis par un juge d’instruction, ils avaient donc sciemment fourni à un commando d’étrangers l’opportunité de violer les droits aux garanties judiciaires de Jovenel MOÏSE. « Il s’agit là aussi d’un fait déjà accablant en soi, qui a été aggravé par l’assassinat de la victime », analyse le RNDDH dans son rapport publié ce 20 aout 2021.
*Le PM Ariel Henry épinglé*
Dans ce rapport, l’actuel premier ministre, Dr Ariel Henry n’a pas été épargné. Le document révèle que Joseph Félix BADIO, chargé de recevoir en temps réel des informations relatives aux faits et gestes de Jovenel Moise était en contact le soir-même de l’assassinat tragique avec le premier ministre Ariel HENRY par téléphone. ” De plus Joseph Félix Badio dont le téléphone éméttait aux environs de la maison de Jovenel Moïse, était en contact serré avec plusieurs personnalités. Par exemple, le soir même de l’assassinat, Dr Ariel Henry s’est entretenu par téléphone avec Joseph Félix Badio” écrit le RNDDH dans son rapport.
«La juge Wendell Coq THELOT a eu aussi à s’entretenir avec Joseph Félix BADIO », selon le RNDDH
Toutefois, le RNDDH reconnaît que les informations qui lui ont été fournies ne lui ont pas permis de lever le voile sur les auteurs intellectuels de cet assassinat car les personnes rencontrées ne semblent pas vouloir partager toutes les informations qu’elles détiennent. Le RNDDH dit espérer que le traitement des déclarations, témoignages et aveux de ces personnes à la police judiciaire et au cabinet d’instruction permettront d’identifier les auteurs intellectuels sans lesquels les vraies raisons de cet assassinat ne seront jamais connues. Par conséquent, le RNDDH croit que Joseph Féliz BADIO ainsi que les cinq colombiens qui se sont échappés, doivent constituer la piste à prioriser pour arriver à identifier les commanditaires de cet assassinat tragique.