Sanctions ONU: Michel Martelly, Youri Latortue, Prophane Victor, Reynold Deeb, Romel Bell indexés dans le rapport du groupe d’experts

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Le groupe d’experts du conseil de sécurité de l’ONU qui travaille sur la situation en Haïti a indexé plusieurs personnalités haïtiennes dont Michel Martelly, Youri Latortue, Prophane Victor qui, selon lui, ont contribué dans la dégradation du climat sécuritaire en Haïti. Ce document consulté par la rédaction devrait être adopté par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ce document indexe Martelly comme un ancien chef d’état entrenant des relations directes et indirectes avec les gangs, « les ont financés » et « en a même créé un d’entre eux, à savoir Baz 257 à Pétion Ville ».

C’est un rapport qui n’a pas encore reçu la bénédiction du Conseil de Sécurité de l’ONU. Toutefois, des révélations fortes ont été faites. Le groupe d’experts soutient avoir mené son enquête de manière professionnelle et technique, en respectant les principes de transparence, d’objectivité, d’impartialité et d’indépendance. Depuis sa nomination, le Groupe d’experts dit s’être rendu quatre fois en Haïti : à Port-au-Prince, à Cap-Haïtien, à Port-de-Paix et dans la ville frontalière de Ouanaminthe.

Le groupe d’experts juge que la dégradation du climat sécuritaire est alimenté par un groupuscule de la société haïtienne. Des membres de l’élite économique et politique. Le Groupe d’experts dit avoir des preuves selon lesquelles Reynold Deeb, responsable du Groupe Deka, finance des membres de gangs pour protéger son entreprise et assurer le transport des marchandises qu’il importe. 


« En 2017, M. Deeb a payé un chef de gang afin de pouvoir mener ses activités dans l’un des principaux ports. Plus récemment, d’après plusieurs sources indépendantes, M. Deeb a utilisé des membres de gangs pour faire pression sur certains douaniers du port afin que ses conteneurs ne soient ni inspectés ni interceptés, ce qui lui a permis d’éviter certains droits d’importation. Enfin, comme le G9 contrôle la zone autour du port de l’Autorité portuaire nationale et les routes qui y mènent, M. Deeb, comme d’autres grands importateurs, paie les gangs pour que sa marchandise passe par leur territoire », révèle le groupe d’experts.

Selon le document, entre septembre et décembre 2019, le phénomène du pays lock a été appuyé par Reynold Deep et d’autres acteurs économiques qui soutenaient l’opposition politique, instigatrice de l’initiative. 

Avec ce phénomène de Pays Lock marqué par la paralysie des activités économiques, la demande en produits alimentaires a explosé et en bon « affairiste », selon le groupe d’experts, M. Deeb a soudoyé des députés, qui ont ensuite « payé des chefs de gangs pour que ceux-ci dispersent les manifestants pour débloquer les rues afin de permettre l’entrée de ses marchandises dans le pays. »


Michel Martelly 

Ce document épingle aussi l’ancien président de la République Michel Joseph Martelly. Selon le groupe d’experts, ce dernier s’est servi des gangs pour étendre son influence dans les quartiers afin de faire avancer son agenda politique.


« Le Groupe d’experts a reçu des informations selon lesquelles, pendant son mandat, M. Martelly a financé plusieurs gangs, tels que Base 257, Village de Dieu, Ti Bois et Grand Ravine, notamment en leur fournissant des fonds ou des armes à feu. D’après plusieurs sources, M. Martelly a créé la Base 257, qui a été financée et armée au fil du temps pour empêcher les manifestations contre le pouvoir à Pétion- Ville, notamment à partir de 2014 », explique le document.

Qui pis est, toujours selon le rapport, Martelly s’est servi de certains intermédiaires que ce soit des fondations ou des membres de sa garde rapprochée, pour établir des relations et négocier avec d’autres gangs. « Ainsi, Arnel Joseph, l’ancien chef du gang de Village de Dieu, a déclaré qu’il s’entretenait régulièrement avec un intermédiaire travaillant dans l’unité de protection rapprochée de M. Martelly, ajoutant que cet intermédiaire lui donnait des armes à feu et d’importantes sommes d’argent. Dans une vidéo, Ti Lapli, l’un des chefs actuels de Grand Ravine, explique que l’ancien Président a remis à Tet Kale (ancien chef de Grand Ravine) un fusil Galil 5,56 mm appartenant à la police et un fusil de même type à Chrisla, chef du gang Ti Bois. Après l’assassinat de Tet Kale, Ti Lapli a récupéré l’arme », détaille le document.

Prophane Victor

Un autre nom indexé dans ce document est Prophane Victor, ancien député de Petite Rivière, dans le département de l’Artibonite. Selon le document, pour assurer son élection en 2016 et son contrôle sur la région, M. Victor a commencé à armer des jeunes de Petite Rivière. « Cette démarche a finalement abouti à la création du gang Gran Grif, actuellement le plus important du département de l’Artibonite et principal responsable des violations des droits humains, y compris de violences sexuelles », peut-on lire dans le rapport.

« M. Victor a continué à soutenir Gran Grif jusqu’en 2020, date à laquelle le gang et lui se sont brouillés à la suite de promesses non tenues faites pendant la période électorale. Depuis, il soutient des gangs rivaux et des groupes d’autodéfense dans la région. Outre les éléments de preuve recueillis par le Groupe d’experts, M. Victor fait l’objet de sanctions par le Canada depuis juin 2023 », soutient le document.

Youri Latortue

Le document mentionne le nom de l’ancien président de l’assemblée nationale Youri Latortue qui, selon le groupe d’experts, exerce un contrôle considérable dans le département de l’Artibonite. « Plus récemment, des sources confidentielles ont dit au Groupe d’experts que M. Latortue avait également financé le gang Kokorat Sans Ras. M. Latortue a eu recours à des gangs pour assurer sa protection rapprochée et détruire des biens. Le Groupe d’experts a récemment reçu une vidéo dans laquelle Barbecue, le chef de gang, déclare que M. Latortue lui avait remis 30 000 dollars », détaille le document qui rappelle que Youri Latortue a été aussi sanctionné par le Canada.

Romel Bell 

D’autres noms sont aussi mentionnés dans le rapport du groupe d’experts comme l’ancien directeur général de l’administration générale des douanes Romel Bell. Selon le document en question, M. Bell a commis et encouragé de 2018 à 2022, la fraude fiscale et d’autres infractions financières, dont des transactions bancaires suspectes.

« M. Bell a toléré un système corrompu qui a compromis les processus de contrôle douanier, ce qui a eu un impact non seulement sur les recettes douanières, mais aussi sur la capacité des douanes d’empêcher le trafic de marchandises illicites, y compris d’armes et de stupéfiants, à destination et en provenance du pays, portant atteinte ainsi à la sécurité et à la stabilité d’Haïti. M. Bell, outre de faire l’objet de sanctions décrétées par un État Membre, fait partie de plusieurs responsables gouvernementaux en poste ou pas à qui il est interdit de quitter le pays en raison d’enquêtes liées à des détournements de fonds », lit-on dans le rapport. 

Par conséquent, le Groupe d’experts fait des recommandations au Conseil de sécurité de l’ONU comme: 

-Appliquer l’embargo sur les armes ciblé à tous les acteurs non étatiques en Haïti et non plus seulement aux personnes et entités visées par les sanctions, en prévoyant des dérogations pour le matériel acquis à l’usage exclusif de l’ONU, des organisations régionales, des représentations diplomatiques ou dans le cadre d’un éventuel appui de l’étranger à la Police nationale d’Haïti ;

– Encourager les États Membres à apporter leur appui au renforcement des capacités des services haïtiens des douanes et de contrôle aux frontières pour lutter contre la criminalité transnationale, telle que le trafic de drogue et d’armes, notamment qu’ils financent les programmes de l’ONUDC dans le pays ; 

-Encourager les États Membres à appuyer le renforcement des capacités de la Police nationale d’Haïti, en particulier en ce qui concerne les enquêtes, les moyens de lutte contre la violence des gangs, la lutte contre le trafic d’armes et de drogue, et la gestion des armes et des munitions, notamment au moyen du panier de fonds pour la sécurité ; 

-Encourager les États Membres à appuyer le renforcement du système fiscal en Haïti, y compris la responsabilité financière et les systèmes de gestion dans le secteur public, notamment pour détecter et localiser les flux financiers illicites et en poursuivre les responsables.

-Encourage Haïti à renforcer l’indépendance et l’intégrité du système judiciaire, et garantir qu’il rende des comptes, afin de lutter contre l’impunité des membres de gangs et des personnes qui les soutiennent, tout en protégeant les procureurs chargés d’affaires sensibles ;

-Encourage Haïti à mettre en place des mécanismes d’établissement des responsabilités pour lutter contre la violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment par la création d’un groupe de travail judiciaire.

Par ailleurs, le groupe d’experts rapporte que « les parties prenantes haïtiennes rencontrées estiment que les sanctions ne peuvent à elles seules enrayer les niveaux actuels de violence armée dans le pays et qu’elles doivent être complétées par un appui solide de la communauté internationale en matière de sécurité ; toutefois, elles ont exprimé l’espoir de voir le régime de sanctions de l’ONU s’étendre et s’appliquer rapidement. »

Source: Gazette Haiti news

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